je suis tombé de haut
tout au fond de l’eau
plouf
splash
chutant
comme une masse
sans un cri
et là tout en bas
surprise
une femme sans âge
douce et nue
m’attend me sourit
sans un cri
et là tout en bas
surprise
une femme sans âge
douce et nue
m’attend me sourit
me sourit
moi aussi
je suis nu
c’est embêtant
moi aussi
je suis nu
c’est embêtant
et surtout
au fond de l’eau
on bouge au ralenti
comme dans un film
impossible de respirer
elle touche ma main
rassure-toi dit-elle
tu ne respires plus
au fond de l’eau
on bouge au ralenti
comme dans un film
impossible de respirer
elle touche ma main
rassure-toi dit-elle
tu ne respires plus
ne souffres plus
souffres plus
amicalement
je la prends
amicalement
je la prends
dans mes bras
et lui dis en pleurant
je n’ai jamais connu
quelqu’un comme toi
de quoi nous parlâmes
dans le flot des larmes je ne sais
je ne sais
et lui dis en pleurant
je n’ai jamais connu
quelqu’un comme toi
de quoi nous parlâmes
dans le flot des larmes je ne sais
je ne sais
mais quel effet
me fit cette femme
si longtemps enlacée
puis gentiment
elle me pousse
vers la sortie
c’est le temps de l’exil
puis gentiment
elle me pousse
vers la sortie
c’est le temps de l’exil
dit-elle
on t’attend à l’accueil
de la citadelle
citadelle
de la citadelle
citadelle
me voici habillé
blouse d’hôpital
fesse à l’air
errant solitaire
dans les couloirs pas nets
d’abord déserts et sombres
puis peuplés de silhouettes
floutées comme des ombres
blouse d’hôpital
fesse à l’air
errant solitaire
dans les couloirs pas nets
d’abord déserts et sombres
puis peuplés de silhouettes
floutées comme des ombres
des om-bres
derrière un guichet
j’entends une voix
qui me dit
l’accueil c’est ici
je me penche et vois
plus bas
dans une vaste baignoire
terrifié
je comprends alors
où je suis à jamais
à jamais
dans l’eau de la nuit
derrière un guichet
j’entends une voix
qui me dit
l’accueil c’est ici
je me penche et vois
plus bas
dans une vaste baignoire
une baignoire au fond de l'eau
me dis-je
quelle idée
une autre femme
allongée
nue et vieille
qui se lève en gémissant
lourde de fatigue aride
gouttes d’eau
perlant de ses rides
comme la vie qui fuit sans un mot
une autre femme
allongée
nue et vieille
qui se lève en gémissant
lourde de fatigue aride
gouttes d’eau
perlant de ses rides
comme la vie qui fuit sans un mot
sans un mot
en-dessous d’elle
au fond de la baignoire
qui fuit
en-dessous d’elle
au fond de la baignoire
qui fuit
est-ce possible
l'eau qui se vide dans l'eau
deux vieux
squelettiques et nus
peau foncée
sur qui manifestement
elle reposait allongée
ils marmottent
et gigotent encore
un petit peu
deux vieux
squelettiques et nus
peau foncée
sur qui manifestement
elle reposait allongée
ils marmottent
et gigotent encore
un petit peu
petit peu
enfin dépliée
enfin dépliée
raide comme l'or
spectrale
la noyée de blancs cheveux
spectrale
la noyée de blancs cheveux
me fixe froidement
de ses yeux aveugles
de ses yeux aveugles
yeux aveugles
terrifié
je comprends alors
où je suis à jamais
à jamais
dans l’eau de la nuit
l'eau de la nuit
de la nuit
la nuit
Texte : Luc Fayard
illustré par un montage de quatre œuvres: (de gauche à droite, de haut en bas) Eugene Jansson – L’aube sur le Riddarfjärd ; John Everett Millais – Ophélie ; Claude Monet – La vague verte ; image Dall.e (avec des gens habillés parce que Dall.e n’a manifestement pas le droit de dessiner des gens nus)
Texte : Luc Fayard
illustré par un montage de quatre œuvres: (de gauche à droite, de haut en bas) Eugene Jansson – L’aube sur le Riddarfjärd ; John Everett Millais – Ophélie ; Claude Monet – La vague verte ; image Dall.e (avec des gens habillés parce que Dall.e n’a manifestement pas le droit de dessiner des gens nus)
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