Poésie de l'Art

qui parle

Leonid Pasternak
The Passion of creation
(1924)

 

August Macke
Colored Composition
(Homage to Johann Sebastian Bach) - 1912

quel est ce chemin 
sinuant de l’esprit à la phrase
cette invisible alchimie 
transmuant une impression confuse 
en envie de dire 
puis en suite grammairienne 
de mots aléatoires
objets complexes par définition
puisque signifiants et signifiés

qui parle pour moi
le cœur l’âme les sentiments 
la mémoire l’enfance
voire même les préjugés les racismes ordinaires 
les blocages l’inconscient le rapport à la mère 
ou tout simplement l’amour la haine
en tout cas ce n’est pas la raison ouf
car elle nous mènerait droit au plouf

pourquoi tel mot me vient en tête 
plutôt que tel autre
est-ce que sonnant mieux
il me parait plus vrai 
conforme à ma vision
ce que j’écris dépend-il 
de mon humeur du moment 
ou bien d’une inclination profonde
qui serait la marque de mon être

en quoi mon vocabulaire 
de crabe aveugle 
peut-il m’aider à peindre 
l’essence des choses 
comment ma révélation maladroite 
de l’univers étroit de l’intime
pourrait-elle prétendre à l’universel
et surtout quel est cet enchantement 
qui donnerait à ma construction 
hasardeuse et personnelle
la volonté imparable 
d’un parangon de beauté

quand je commence une phrase 
sais-je vraiment comment la finir
et quand je débute un texte 
en connais-je déjà la chute 
se pourrait-il donc 
que cette maturation ontologique
ne fût que simple hasard 
rencontre à conclusion indéterminée
entre l’homme et son contexte
chimie des neurones 
et de l’estomac

dans ce monde en berne
une chose est sûre
le reste est balivernes
quand j’ai croqué fruit mûr
dans ce texte lourd et gras
je n’avais pas décidé 
qu’il se terminerait
par le mot estomac

Texte de Luc Fayard illustré par The Passion of creation de Leonid Pasternak (1924) et par Colored Composition (Homage to Johann Sebastian Bach) d'August Macke (1912) 

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